Covid19 - Une solution, la relocalisation?

Avec le Covid-19, les ruptures d´approvisionnement de matériel sanitaire alimentent la réflexion sur la relocalisation de l´industrie. Est-ce la panacée et si oui dans quelles conditions. Focus sur la filière habillement en Europe orientale.
"Roumanie, les forçats du textile", un documentaire Arte (24')
La crise du coronavirus révèle les risques liés à la dépendance de nos systèmes vis-à-vis de filières d’approvisionnement lointaines. Les péripéties de la fourniture de masques chirurgicaux semblent plaider pour une relocalisation de la fabrication de produits finis ou d’accessoires au sein de l´Union Européenne voire même dans notre pays. Cela assurerait un approvisionnement sûr, rapide et conforme aux normes. Mais la distance explique-t-elle à elle seule tous ces atermoiements ? Ou n’est-ce pas plutôt un commerce international dépourvu de règles pour défendre la primauté des droits humains individuels et collectifs sur le profit ?
«La distance explique-t-elle à elle seule tous ces atermoiements ? Ou n’est-ce pas plutôt un commerce international dépourvu de règles?»
Plongée dans la filière habillement
Si l’activité manufacturière s’est largement délocalisée depuis les années ’70, c’est essentiellement pour trouver ailleurs de meilleures conditions de prix. Dans ces industries fondées sur l’emploi d’une main-d’œuvre nombreuse, ces bas prix sont souvent synonymes de salaires extrêmement faibles, de mauvaises conditions de travail et de répression envers les syndicats. Dans l’industrie de l’habillement, la délocalisation et la recherche de prix de pro duction toujours plus bas est allée de pair avec la montée en puissance des marques et des enseignes. Elles ont externalisé la production vers des fabricants indépendants - évitant ainsi de gérer les impacts environnementaux et sociaux de leurs pratiques - tout en maîtrisant l’amont et l’aval, c’est-à-dire la conception des modèles d’un côté et l’accès au marché de l’autre.
« La délocalisation et la recherche de prix de production toujours plus bas est allée de pair avec la montée en puissance des marques et des enseignes »
Mais la course vers le profit des marques et la recherche des meilleurs prix devrait avoir des limites. Le respect des normes de sécurité en est une, plus que jamais évidente en ces temps de Covid-19. Le respect des droits humains et de l’environnement devrait en être une autre, tout aussi cruciale. Aujourd’hui, il détermine notamment la capacité des travailleuses et des travailleurs de l’habillement à faire face au virus. N’imposer aucune limite au profit de quelques entreprises, c’est dénier le droit de dizaines de millions de travailleuses et de travailleurs à être payés un salaire qui assure la subsistance de leur famille et c’est empêcher des Etats de financer un système de protection sociale.
En ces temps de confinement, il n’est donc peut-être pas inutile de se documenter sur les réalités que peut recouvrir cette relocalisation en prenant l’industrie de l’habillement comme point de départ de nos réflexions.
Voici quelques pistes de réflexion sur différents supports :
- Un documentaire Arte (24’) « Roumanie, les forçats du textile » vous invite à découvrir la réalité de ces travailleuses. Dans ce reportage, l’une d’entre elle témoigne qu’elle doit s’endetter pour payer le ticket de bus de son enfant pour qu’il puisse rejoindre l’école. Une autre ne peut pas payer les soins médicaux de sa mère.
- Des chiffres, des photos et un récit du quotidien: un jour dans la vie d’une travailleuse de l’habillement, vu par son mari sans emploi. « La Roumanie, c’est le Bangladesh européen », de grandes marques européennes s’y approvisionnent, mais les quelque 300.000 travailleuses de l’habillement y comptent parmi les plus précaires. Le Profil Pays publié par achACT en 2018 est un vrai plaidoyer pour l’instauration d’un salaire minimum européen.
- Des infographies, vidéo et textes : Vous avez dit relocalisation ? Chine à domicile : Toscane, Italie, 1er Décembre 2013. Un incendie ravage un atelier de confection dans la ville de Prato. Sept employés sont tués. Tous chinois. La Toscane accueillerait ainsi plusieurs milliers d’ateliers de confection détenus par des entrepreneurs chinois, occupant entre 40.000 et 50.000 travailleurs chinois.